Être un «vrai» homme, un homme «normal» implique encore trop souvent d’adhérer à des codes de masculinité néfastes : être fort, ne pas pleurer, ne pas avoir peur, ne pas demander d’aide, nier et taire ses émotions, performer socialement, financièrement, sexuellement, normaliser la violence (physique et psychologique), dominer l'autre...
Cette culture masculine est désastreuse pour absolument tout le monde :
Dans un récent ouvrage, Le coût de la virilité, l'historienne française Lucile Peytavin souligne à quel point cette masculinité est un fléau. L'autrice rappelle ces chiffres éloquents.
Les hommes représentent :
97% des auteurs de violences sexuelles
96% des auteurs de violences au sein du couple
84% des auteurs de coups et violences volontaires
84% des auteurs d'accidents de la route mortels
99% des pyromanes
86% des mis en cause pour meurtre
96% de la population carcérale
97% des auteurs de tueries de masse
Au final, les hommes représentent 90% des personnes condamnées par la justice.
Selon l'autrice, cette culture masculine hégémonique a un coût direct pour l'État et la société, qu'elle a évalué, pour la France, à 95,2 milliards d’euros par année (124 milliards $) !
Bien sûr, et heureusement, nous ne sommes pas tous des agresseurs, des violeurs, des tueurs de masse, des abuseurs... Pour autant, on ne peut pas dire que les comportements néfastes qu'induisent cette masculinité sont isolés et ne concernent qu'une minorité d'hommes.
Le problème est, oui : systémique.
Pour s'en convaincre, il suffit de se poser cette question (librement inspirée de ce que souligne le journaliste Mickaël Bergeron dans son livre Cocorico) : l’un de nous peut-il affirmer être irréprochable ? Autrement dit, l'un d'entre nous peut-il affirmer qu'il n'a jamais :
Agi de manière paternaliste avec une femme
Laissé toute la charge mentale à une femme
Ignoré l’opinion d’une femme
Réduit une femme à ses seins, à ses fesses ou à ses hanches
Dénigré une femme qui a une vie sexuelle active et assumée
Dit que les vêtements d’une femme étaient trop sexy ou pas assez sexy
Raconté de blagues sexistes
Embrassé une femme qui ne voulait pas être embrassée
Insisté pour avoir une relation sexuelle
Continué à cruiser une femme qui n’était pas intéressée
Dénigré une femme qui refusait d’avoir des relations sexuelles
Harcelé une femme après une rupture
Fait du chantage émotif
Ignoré les désirs d’une femme pendant une relation sexuelle
Utilisé la violence psychologique pour faire taire une femme
Fait de commentaires dégradants sur le corps d’une femme
Troublant, non ?
Qu'elles en aient conscience ou non, les organisations n'échappent pas aux problèmes que pose cette masculinité. Qu'il s'agisse de dirigeants, d'employés, de partenaires d'affaires... la plupart des organisations sont confrontées à ces comportements masculins néfastes: attitude rigide et dominante, violence physique ou psychologique, manque d'engagement à l'égard des initiatives visant à favoriser des groupes sous-représentés, frustration, colère...
Parce qu'ils ne se sentent pas concernés, parce qu'ils se sentent menacés (sentiment d’injustice, peur de «perdre sa place»...), parce que les efforts et messages sont aujourd'hui orientés vers d'autres groupes (femmes, minorités...), pour toutes ces raisons, un grand nombre d'hommes ne participent pas activement aux transformations sociales en cours dans les entreprises. Avec, pour conséquences, les risques que cela fait courir à l'organisation: inconduites, désengagement, culture toxique, accidents du travail, scandales entachant réputation et attractivité...
Toute organisation qui cherche à atteindre de hauts standards en matière d’équité, diversité et inclusion et, de façon générale, à développer une culture organisationnelle et un écosystème d'affaires ouverts et bienveillants, n'a pas d'autre choix que de mobiliser les hommes pour qu’ils fassent partie intégrante de la solution. [EN SAVOIR +]
Le problème, c'est la façon dont il nous faut devenir homme. Ce sont les codes qu'on nous apprend et auxquels il est socialement difficile de ne pas adhérer.
Car la science est unanime : cette violence - et tous les actes asociaux, plus ou moins dommageables qui y sont liés - n'est pas inée (entendre, masculine) mais bien le fruit d'une construction sociale. Simone de Beauvoir avait dit «On ne nait pas femme, on le devient», c'est également vrai pour les hommes.
Il y a donc urgence à se préoccuper des hommes - et des codes de masculinités dominants. Les hommes méritent mieux : ils méritent de pouvoir exprimer leurs sentiments, leur douceur, leur vulnérabilité - leur authenticité. La société mérite mieux : se préoccuper des masculinités, c'est alléger l'existence des hommes - et de ce fait l'existence de celles et ceux qui vivent et travaillent à leurs côtés.
Apaiser la masculinité, c'est apaiser notre société.
Des hommes qui changent, ce sont des hommes qui contribuent à paver la voie vers cette société plus équitable, plus harmonieuse.
Et c'est pour cela que nous existons : développer la première communauté apprenante destinée à tous les hommes (et leur entourage) et toutes les organisations qui souhaitent faire autrement et mieux.
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